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Carbone 14 — l’effet post bombe

vendredi 28 avril 2023

Pourquoi l’année 1954 est une frontière pour le carbone 14 ? Les bombes atomiques et les essais nucléaires atmosphériques ont artificiellement fait augmenter la quantité de carbone 14 dans l’air. Les laboratoires CIRAM vous expliquent l’intérêt de ce changement.

Dès la fin des années 40, des chercheurs américains ont commencé à utiliser les propriétés de la radioactivité naturelle du carbone 14 pour dater les matières organiques. Dans les années 50, le prix Nobel de chimie Williard Franck Libby a daté des échantillons égyptiens avec succès.

Aujourd’hui, la datation carbone 14 (appelé aussi radiocarbone) détermine le temps écoulé depuis la mort d’un organisme vivant. Cette méthode a révolutionné l’archéométrie grâce à sa faculté à dater le bois, l’ivoire, les os, les dents, le lin, la paille et toutes autres matières organiques.

Le principe de la datation carbone 14 

Le carbone 14 est un isotope radioactif du carbone qui disparaît au cours du temps, cette méthode se base donc sur la mesure de cette quantité de carbone 14 présente dans l’organisme.

Un organisme vivant contient une quantité constante de carbone 14. À sa mort, les échanges avec l’extérieur cessent et la quantité de carbone 14 diminue selon une loi exponentielle connue. On sait que la concentration de carbone 14 est divisée par deux tous les 5730ans. La datation se base donc sur la mesure du rapport C14 sur le carbone total. Il est possible de dater des organismes jusqu’à 60 000ans après leur mort, au-delà, la quantité de carbone 14 sera trop faible pour être mesuré.

La mesure est effectuée par spectrométrie de masse couplée à un accélérateur de particules (AMS). Cette technique ne nécessite que très peu de matière (0,01g environ contre 1g auparavant), peu de temps d’analyse (moins d’une heure contre plusieurs semaines auparavant) et apporta des mesures plus précises qu’autrefois.

La calibration des résultats 

La quantité de carbone 14 restant dans un matériau est proportionnelle à son âge. L’âge radiocarbone est exprimé en années BP (before present). Ce que l’on appelle « présent du carbone 14 » a été fixé par Libby en 1950 et l’âge radiocarbone est calculé en supposant que la concentration de C14 a été constante dans le temps, ce qui n’est pas le cas. 

En effet, la teneur en carbone 14 varie en fonction de plusieurs facteurs comme l’activité solaire, les changements climatiques ou l’activité industrielle. Les résultats obtenus doivent donc être corrigés, on parle de calibration des résultats. Les laboratoires CIRAM utilisent des courbes de calibration afin de transformer l’âge BP en intervalle de dates calibrées que l’on associe à un pourcentage de probabilité. Seul ce résultat aura une signification scientifique.

Le passé récent, l’effet post bombe 

Les bombes nucléaires sur le Japon en 1945 et les essais nucléaires atmosphériques dans les années suivantes ont entraîné une production massive de radiocarbone à partir de 1954 et jusqu’à pratiquement doubler sa concentration en 1964 et 1965. Ceci permet de placer une limite stricte entre les organismes ayant vécu avant et après 1954. Cette limite est idéale pour repérer les faux récents. La principale problématique rencontrée concerne les êtres vivants ayant vécu après 1954 qui présentent une concentration 14C anormalement élevée et dépassant largement la concentration « normale ». C’est pourquoi la datation carbone 14 est très pertinente pour les objets récents, vois très récents. En effet, pour la période post 1954, la précision de la datation est de quelques années seulement.

Mais il existe une ambivalence à la précisions des résultats. La concentration croît plus rapidement jusqu’en 1965, postérieure au traité d’interdiction partielle des essais nucléaires de 1963. Après cette date, la teneur en radiocarbone décroît à nouveau pour un retour progressif à des rapports isotopiques naturels. La calibration est donc complexe en fonction de la date des matériaux à analyser. Ce phénomène biaise également la répartition des probabilités a posteriori, car la « pente » avant le maximum est plus « abrupte » qu’après. Cette donnée induit donc une répartition des probabilités artificiellement plus en faveur de la partie post 1964-1965.